Émulation scientifique

Au cours des 12 derniers mois, 101 articles scientifiques ont été publiés par notre communauté scientifique. Parmi eux, 28 % se retrouvent dans des journaux à très haut facteur d’impact, ce qui illustre l’excellence de notre recherche.

Un nouveau gène pour atténuer l’impact des télomères érodés

Les télomères, des capuchons structuraux à l’extrémités des chromosomes raccourcissent à chaque division cellulaire. Après une érosion suffisante, leur fonction protectrice est perdue, activant le gène suppresseur de tumeur p53 et la réponse aux dommages à l’ADN. Cela conduit à un état non prolifératif appelé sénescence dans les cellules normales, ou à la mort cellulaire dans les cellules cancéreuses. Malgré l’importance des mécanismes qui déclenchent ces processus, ils demeurent toujours mal compris.

Le groupe de Lea Harrington, en collaboration avec les groupes de Mike Tyers et Pierre Thibault à l’IRIC, a récemment effectué des cribles à la grandeur du génome, pour identifier les gènes qui améliorent ou inhibent les effets de la perte de télomères sur la prolifération de cellules humaines en culture. Ils ont ainsi identifié un gène codant pour une protéine de fonction inconnue qu’ils ont nommé TAPR1 (pour Telomerase Attrition and P53 Response 1). Leurs expériences ont montré qu’un rôle de TAPR1 est de tamponner l’effet délétère sur la santé des cellules lorsque p53 est activé par des télomères érodés et des dommages à l’ADN.

Les cellules doivent optimiser la réponse p53 pour équilibrer deux tendances opposées: une activité p53 insuffisante permet la propagation de génomes endommagés qui conduisent à la tumorigenèse, alors qu’une trop grande activité de p53 peut conduire les cellules à une sénescence prématurée. TAPR1 représente un modulateur génétique jusqu’alors inconnu de l’équilibre délicat qui régit l’activité de p53.

Étude citée :

A novel p53 regulator, C16ORF72/TAPR1, buffers against telomerase inhibition

Benslimane Y,  Sánchez‐Osuna M,  Coulombe‐Huntington J,  Bertomeu T,  Henry D,  Huard C, Bonneil É, Thibault P,  Tyers M,  Harrington L

Aging Cell. 2021 Apr; 20(4):e13331

L’IRIC entrevoit un traitement pour l’obésité sévère

Une étude récente du groupe de Michel Bouvier en collaboration avec ses collègues de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, affilié à l’Université Laval, pourrait ouvrir la voie au traitement de l’obésité morbide précoce familiale. Les gens atteints de cette maladie rare ne ressentent pas la satiété, ce message envoyé à notre cerveau pour stopper la faim. Ils mangent donc beaucoup trop, ce qui entraîne l’obésité et de nombreuses complications dont très souvent le diabète de type 2. 

L’obésité morbide est causée dans de nombreux cas par une mutation du récepteur de la mélanocotine (le récepteur MC4R) qui l’empêche d’être présent à la surface des cellules de l’hypothalamus. En son absence, l’action de la mélanocortine, une hormone qui régule normalement l’appétit et la dépense d’énergie, est empêchée, ce qui conduit à l’obésité. L’équipe du professeur Bouvier avait précédemment découvert des molécules appelées « chaperonnes pharmacologiques » qui permettent au récepteur défectueux d’être exporté à la surface des cellules et de rétablir l’action de la mélanocortine.

Dans cette nouvelle étude, l'équipe de recherche décrit un modèle animal nouveau, c’est-à-dire des souris dont le gène MC4R a été remplacé par le gène MC4R humain normal ou muté, et démontrent qu’une chaperonne pharmacologique restaure la fonction du gène MC4R muté et réduit de manière importante la prise alimentaire des souris. Bien qu’on soit encore loin d’une application pharmaceutique pour les humains, ces essais précliniques in vivo sont très encourageants.

Étude citée :

Pharmacological chaperone action in humanized mouse models of MC4R-linked obesity

René P, Lanfray D, Richard D, Bouvier M

JCI Insight 2021-02-22;6(4)

La molécule UM171 dévoile son mécanisme d’action

La molécule UM171 a été identifiée pour sa capacité à amplifier les cellules souches dérivées du sang de cordon humain en culture et est désormais en développement clinique avec plus de 60 patientes et patients transplantés avec succès après une expansion ex-vivo de 7 jours. L’équipe du chercheur Guy Sauvageau, en collaboration avec celles d’Anne Marinier, Mike Tyers et Pierre Thibault a découvert un des mécanismes d’action de la molécule. 

Grâce à des approches de criblage de type CRISPR et de protéomique, les équipes ont identifié le complexe CULLIN3-E3. Sous l’action de la molécule UM171, le complexe est capable de cibler les complexes corépresseurs LSD1 et d’entraîner leur dégradation via le protéasome.

Cela rétablit certaines marques épigénétiques, telles que H3K4me2 et H3K27ac, qui sont physiologiquement diminuées lors de la culture ex-vivo de cellules souches hématopoïétiques. La découverte de ce complexe permet de mieux comprendre le processus d’expansion et d’auto-renouvellement des cellules

Étude citée :

UM171 Preserves Epigenetic Marks that Are Reduced in Ex Vivo Culture of Human HSCs via Potentiation of the CLR3-KBTBD4 Complex.

Chagraoui J, Girard S, Spinella JF, Simon L, Bonneil E, Mayotte N, MacRae T, Coulombe-Huntington J, Bertomeu T, Moison C, Tomellini E, Thibault P, Tyers M, Marinier A, Sauvageau G

Cell Stem Cell 2021-01-07 ;28(1):48-62.e6

IL-17RD : Limiter l’inflammation, limiter la formation de tumeurs

Les cytokines, des messagers chimiques, de la famille de l’interleukine-17 (IL-17) sont impliquées dans la défense de l’organisme contre les infections, mais aussi dans le développement de désordres inflammatoires chroniques. L’un des récepteurs liant l’IL-17, le récepteur D de l’interleukine-17 (IL-17RD), est connu pour sa régulation négative des voies de signalisation activant la prolifération cellulaire. L’équipe de Sylvain Meloche a exploré les fonctions antitumorales d’IL-17RD dans une nouvelle étude effectuée chez la souris.

À l’aide de modèles murins, l’équipe a d’abord démontré qu’IL-17RD agissait comme suppresseur de tumeur in vivo. De fait, la perturbation du gène codant pour IL-17RD augmente la formation de tumeurs. Par ailleurs, pour le modèle de cancer du côlon étudié, le développement de ces tumeurs est associé à une réponse inflammatoire exacerbée. L’étude démontre qu’IL-17RD limite l’étendue et la durée de l’inflammation dans les cellules épithéliales de l’intestin. Puisque l’inactivation génétique d’IL-17RD n’impacte ni les voies de signalisation, ni la prolifération cellulaires, l’équipe conclut que l’action antitumorale du récepteur est due à cette régulation négative de l’inflammation. 

Étude citée :

Loss of interleukin-17 receptor D promotes chronic inflammation-associated tumorigenesis

Girondel C, Lévesque K, Langlois MJ, Pasquin S, Saba-El-Leil MK, Rivard N, Friesel R, Servant MJ, Gauchat JF, Lesage S, Meloche S

Oncogene 2021-01-01 ;40( 2 ):452-464

TMEM16F : une protéine avec un rôle clé dans la régulation de l’activité des lymphocytes T 

Les lymphocytes T sont les chefs d’orchestre de la réponse immunitaire et comprendre la régulation de leur activité représente un enjeu crucial en immunologie ainsi que pour le développement d’immunothérapies contre le cancer. Une étude récente de l’équipe d’Etienne Gagnon permet de mieux comprendre la cascade d’événements menant à l’activation robuste des cellules T. 

Lorsque des organismes pathogènes pénètrent à l’intérieur de l’hôte, des cellules spécialisées présentent des antigènes de ces « intrus » aux lymphocytes T. Ceux-ci sont activés lorsque le récepteur des cellules T (appelé TCR) reconnaît ces antigènes. Le TCR est en fait un complexe regroupant 8 protéines, dont les composantes CD3 qui assurent la signalisation du TCR. Au repos, le TCR demeure à l’état de dormance grâce à des interactions entre les domaines CD3, contenant des charges positives, et la membrane plasmique de la cellule dont le feuillet interne est riche en lipides ayant une charge négative - principalement la phosphatidylsérine. Lorsque le TCR reconnait un antigène, il forme des agrégats excluant la phosphatidylsérine, ce qui permet aux chaines CD3 de se dissocier le la membrane pour engager la signalisation. L'équipe de l’IRIC a mis en évidence le rôle de l’enzyme TMEM16F qui aide à la redistribution de la phosphatidylsérine vers le feuillet externe de la membrane plasmique engendrant ainsi une augmentation de la dissociation des domaines CD3 de la membrane plasmique et amplifiant la signalisation du TCR. 

Étude citée :

TMEM16F mediates bystander TCR-CD3 membrane dissociation at the immunological synapse and potentiates T cell activation.

Connolly A, Panes R, Tual M, Lafortune R, Bellemare-Pelletier A, Gagnon E

Science Signaling 2021-03-23 ;14(675)

Des mécanismes épigénétiques à l’origine d’une leucémie

Les travaux menés par l’équipe du chercheur Brian Wilhelm apportent de nouveaux éléments dans la compréhension de la leucémie myéloïde aiguë (LMA) induite par une translocation chromosomique impliquant le gène KMT2A, dont les mécanismes moléculaires étaient jusqu’ici peu définis. Le groupe s’est concentré sur les mécanismes épigénétiques pouvant être perturbés dans un contexte leucémique. 

Un modèle d’étude chez la souris a permis d’élucider les événements initiateurs de la LMA en caractérisant l’ensemble des mécanismes épigénétiques à partir de l’initiation jusqu’au développement final de la maladie dans le modèle. Cette analyse a permis de dresser le portrait épigénétique pouvant être à l’origine de la dérégulation des gènes dans les LMA. En plus d’identifier les modifications dans la méthylation de l’ADN et la répartition de certaines marques d’histones, le laboratoire a identifié des gènes potentiellement impliqués dans le développement leucémique (ADCY9, CCL23).

L’analyse de la chromatine a révélé qu'il y avait relativement peu de changements spécifiques à la leucémie et que la grande majorité correspondait à des régions de chromatine ouverte et à des groupes de facteurs de transcription précédemment observés dans d'autres types de cellules sanguines. Cette étude permet d’accéder à une cartographie des événements épigénétiques aux différents stades du développement de la maladie.

Étude citée :

Epigenetic changes in human model KMT2A leukemias highlight early events during leukemogenesis.

Milan T, Celton M, Lagacé K, Roques E, Safa-Tahar-Henni S, Bresson E, Bergeron A, Hebert J, Meshinchi S, Cellot S, Barabé F, Wilhelm B

Haematologica 2022;107(1):86-99

Des fonctions méiotiques et mitotiques pour la cycline B3

Lors des divisions cellulaires méiotiques (produisant des cellules génétiquement distinctes) et mitotiques (produisant des cellules génétiquement identiques), les chromosomes sont ségrégés vers les deux pôles de la cellule. Cette ségrégation est déclenchée par le complexe promoteur de l’anaphase, ou cyclosome, (APC/C), un énorme complexe protéique qui coordonne la dégradation de certaines protéines. Pour effectuer son travail et permettre la séparation des chromatides sœurs, l’APC/C doit être phosphorylé à des sites clés. Le travail effectué par l’équipe de Vincent Archambault a permis d’identifier la cycline B3 dans la régulation de ce processus. 

La cycline B3 est requise pour le bon déroulement de l’anaphase, étape de la division cellulaire pendant laquelle les chromosomes sont ségrégés, pendant la méiose chez plusieurs organismes. En utilisant la drosophile, l’équipe a montré par des approches génétiques que la cycline B3 promeut l’anaphase pendant la méiose, mais également pendant la mitose.

Par ailleurs, la cycline B3 promeut l’activité de l’APC/C dans les cellules étudiées. Les résultats de l’équipe montrent également que la cycline B3 s’associe avec l’APC/C, est requise pour la phosphorylation d’un de ses sites et promeut son association avec ses co-activateurs. L’équipe en conclut que la cycline B3 active directement l’APC/C pour promouvoir l’anaphase pendant la méiose et la mitose. 

Étude citée :

Cyclin B3 activates the Anaphase-Promoting Complex/Cyclosome in meiosis and mitosis.

Garrido D, Bourouh M, Bonneil E, Thibault P, Swan A, Archambault V

PLoS Genet 2020-11-02 ;16( 11 ):e1009184

STRIPAK : un complexe protéique régulant la morphologie des cellules mitotiques et l’intégrité des tissus épithéliaux

La morphogenèse cellulaire est le processus par lequel les cellules adaptent leur structure aux fonctions qu’elles doivent accomplir. Le cytosquelette, qui agit comme structure d’échafaudage de la cellule, joue des rôles clés pendant ce processus. Une nouvelle étude de l’équipe de Sébastien Carréno décortique les fonctions du complexe protéique STRIPAK dans une cascade d’événements permettant de contrôler la morphogenèse cellulaire via le cytosquelette. 

Les protéines du cytosquelette sont ancrées à la membrane plasmique par, entre autres, la famille de protéines ERM. Ces dernières alternent entre des formes inactives au cytosol et des formes actives à la membrane plasmique, ce sont ces dernières qui lient le cytosquelette. L’activation des protéines ERM se fait en deux temps : la séparation de leurs deux domaines, suivie de leur phosphorylation par la kinase Slik. L’équipe du laboratoire Carréno a découvert chez la drosophile que le complexe STRIPAK s’associe avec la kinase Slik pour favoriser sa localisation à la membrane plasmique. La présence de Slik à la membrane plasmique entraîne la phosphorylation, et donc l’activation, de sa cible, la protéine dMoesin (seule membre des ERM chez la mouche). L’équipe de l’IRIC a ainsi mis en évidence un nouveau rôle pour le complexe STRIPAK, via la régulation des fonctions de Slik et de dMoesin, dans le contrôle de la stabilité corticale durant la mitose et du maintien de l'intégrité épithéliale dans l’organisme.

Étude citée:

STRIPAK regulates Slik localization to control mitotic morphogenesis and epithelial integrity.

De Jamblinne CV, Decelle B, Dehghani M, Joseph M, Sriskandarajah N, Leguay K, Rambaud B, Lemieux S, Roux PP, Hipfner DR, Carréno S

J Cell Biol 2020-11-02 ;219( 11 )


Rompre le paradigme de la coiffe de l’ARN

Le  laboratoire  de  Katherine  Borden et  ses  partenaires aux  États-Unis  et  en  Écosse, a récemment découvert que l’activité des ARN peut être modulé d’une nouvelle manière. Les scientifiques  ont  en  effet découvert  que l’oncoprotéine eIF4E, contrôle  de  façon inattendue  le «capping» des ARN.

Si l’une des principales fonctions d’un gène est d’encoder l’information nécessaire à la synthèse d’une protéine particulière, celui-ci doit d’abord être copié en ARN dit «messager», qui peut lui-même subir diverses modifications. L’une de ces modifications est l’ajout d’une coiffe ou «capping», c’est à dire l’ajout d’un groupe guanosine méthylée, à l’extrémité de l’ARN messager.

Cette coiffe est importante pour la stabilité des ARN codants et pour la synthèse efficace d’une protéine à partir de ces ARN messagers. Cet ajout était jusqu’à maintenant considéré comme une activité de maintenance, c’est-à-dire une modification constitutive.

Grâce au développement de nouvelles  méthodes  pour  quantifier  la  quantité  de  coiffe  ajoutée  aux  ARN,  l’équipe de l’IRIC a montré que ce n’est pas le cas, de nombreux ARN n’étant coiffés qu’à 30-50%. Le «capping» est donc plutôt une caractéristique réglable et constitue un nouveau mécanisme de contrôle pour les cellules. Comme eIF4E est impliqué dans le développement de tumeurs malignes, les auteurs ont aussi montré pour la première fois que le «capping» d’ARN spécifiques était très élevé dans les échantillons de cancer primaire et contribuait à l’activité oncogène de eIF4E.

Étude citée :

The eukaryotic translation initiation factor eIF4E elevates steady-state m7G capping of coding and noncoding transcripts.

Culjkovic-Kraljacic B, Skrabanek L, Revuelta MV, Gasiorek J, Cowling VH, Cerchietti L, Borden K

Proc Natl Acad Sci U S A 2020-10-27 ;117( 43 ):26773-26783.


Explorer de nouveaux horizons dans la signalisation RAS mène à de nombreuses surprises

De nombreuses petites protéines GTPases dans les cellules humaines fonctionnent comme des commutateurs contrôlant l’activité des voies de signalisation intracellulaires. Des protéines « effectrices » agissent conjointement avec les GTPases activées qu’elles reconnaissent, pour relayer les signaux en aval. Les GTPases de la famille RAS sont particulièrement importantes car elles sont parmi les principales causes des cancers. 

Le groupe de Matthew Smith à l’IRIC et ses partenaires de l’Université hébraïque de Jérusalem ont entrepris une analyse systématique des protéines effectrices peu étudiées de la famille RAS-association domain family (RASSF). Les équipes ont découvert, à leur grande surprise, qu’un seul des dix membres de la famille, RASSF5, lie les RAS activées. Autre surprise, les RASSF1-6 s’associent à la kinase Hippo, et les autres RASSF interagissent avec les régulateurs de p53, un suppresseur de tumeur important. Ils ont ensuite utilisé une approche de modélisation informatique basée sur la structure et la séquence des protéines pour identifier des GTPases partenaires de la protéine RASSF1.

L’interaction entre RASSF1 et ces nouvelles GTPases partenaires active la voie de signalisation Hippo qui est impliquée dans la mort cellulaire programmée ou apoptose. Comme la signalisation Hippo est une caractéristique émergente des cancers induits par RAS et de leur résistance aux thérapies, cette analyse systématique des partenaires de liaison RASSF est une première étape importante dans la définition de mécanismes moléculaires impliqués. 

Étude citée :

RASSF effectors couple diverse RAS subfamily GTPases to the Hippo pathway

Dhanaraman T, Singh S, Killoran RC, Singh A, Xu X, Shifman JM, Smith M

Science Signaling 2020-10-13 ;13( 653 )

Cibler les protéines de surface cellulaire et le cuivre dans la lutte contre le cancer colorectal 

Une étude menée par l’équipe du chercheur Philippe Roux, en collaboration avec celles de Louis Gaboury et de Sylvain Meloche de l’IRIC, révèle que la protéine oncogénique KRAS pourrait être ciblée de manière indirecte. KRAS est une protéine impliquée dans la signalisation intracellulaire et la réponse de la cellule à son environnement. Depuis trois décennies, cibler directement cette protéine, fréquemment mutée dans les cancers colorectaux, s’est avéré infructueux. Ayant développé une technique de protéomique de pointe leur permettant d’identifier les protéines exprimées à la surface des cellules, les équipes de recherche de l’IRIC ont démontré qu’une mutation de cet oncogène engendre une modification des protéines s’exprimant à la surface des cellules qui recouvrent les villosités internes de l’intestin.

En collaborant par la suite avec des équipes de l’Université de Toronto, de l’Université McGill et des États-Unis, les scientifiques sont parvenus à identifier la protéine de surface cellulaire ATP7A, protéine impliquée dans le transport du cuivre, comme molécule importante dans la biologie des cancers colorectaux KRAS mutés. Par ailleurs, les résultats ont démontré que les tumeurs colorectales KRAS mutées contiennent davantage de cuivre intracellulaire, et que celui-ci joue un rôle dans la progression tumorale chez la souris.

Cette étude propose ainsi deux nouvelles options thérapeutiques pour les cancers colorectaux possédant la mutation KRAS, à savoir une thérapie ciblée contre la protéine ATP7A ou le blocage de l’action du cuivre intracellulaire à l’aide d’outils thérapeutiques déjà existants.

Étude citée :

Copper bioavailability is a KRAS-specific vulnerability in colorectal cancer

Aubert L, Nandagopal N, Steinhart Z, Lavoie G, Nourreddine S, Berman J, Saba-El-Leil MK, Papadopoli D, Lin S, Hart T, Macleod G, Topisirovic I, Gaboury L, Fahrni CJ, Schramek D, Meloche S, Angers S, Roux PP

Nature Communications 2020-07-24 ;11(1):3701


Le voile se lève sur le cycle cellulaire

L’équipe du chercheur Philippe Roux, en collaboration avec celles de Sébastien Carréno et Michel Bouvier de l’IRIC, a découvert un nouveau mécanisme de la régulation du cycle cellulaire. Ce cycle de vie de la cellule est un processus complexe séparé en plusieurs étapes clés et dont la phase ultime correspond à la mitose. Différent mécanismes de « contrôle de la qualité » agissent à chacune des étapes et permettent ou non au cycle de continuer sur sa lancée.

Les équipes de l’IRIC ont montré que les protéines de liaison à l’ARN NF45 et NF90 sont essentielles pour l’expression d’un groupe de gènes, eux-mêmes nécessaires à la progression de la mitose. Leur étude a révélé que cette régulation a lieu au niveau de l’ARNm de ces gènes, à travers une compétition entre les protéines NF45-NF90, et une autre protéine de liaison à l’ARN, Stau2. Cette dernière est responsable de la dégradation des ARNm qui ne répondent pas au « contrôle de qualité ». Si NF45 et NF90 parviennent à se lier aux ARNm à sa place, les ARNm sont stabilisés et le cycle cellulaire peut poursuivre la mitose.

Ces travaux fournissent une première piste d’explication sur la surexpression observée du complexe NF45-NF90 dans les cellules cancéreuses, qui pourrait être responsable de la prolifération aberrante de ces cellules. Cette étude suggère que ces protéines pourraient être de nouvelles cibles thérapeutiques contre différents types de cancer.

Étude citée :

NF45 and NF90 Regulate Mitotic Gene Expression by Competing with Staufen-Mediated mRNA Decay

Nourreddine S, Lavoie G, Paradis J, Ben El Kadhi K, Méant A, Aubert L, Grondin B, Gendron P, Chabot B, Bouvier M, Carréno S, Roux PP

Cell Reports 2020-05-19 ;31( 7 ):107660

Télomères: bien plus que des capuchons chromosomiques

Le groupe dirigé par Lea Harrington et ses partenaires de Toronto ont récemment identifié un mécanisme moléculaire reliant les télomères et la régulation épigénétique des cellules souches. 

Les télomères sont des séquences d’ADN qui servent de capuchons pour protéger l’extrémité des chromosomes contre la dégradation. Ils sont maintenus par une enzyme appelée TERT et sont essentiels à l’intégrité du génome et à la viabilité cellulaire. Le dysfonctionnement des télomères est également connu pour altérer la différenciation des cellules souches mais le mécanisme impliqué demeurait inconnu. L'étude porte sur les cellules souches génétiquement modifiées pour être déficientes en TERT (Tert -/-) et qui présentent des télomères considérablement raccourcis. Les résultats ont démontré que ces cellules étaient incapables de se différencier normalement ou de maintenir l’état différencié. lls ont ensuite montré que les cellules Tert -/- présentaient des perturbations à l’échelle du génome dans l’accessibilité à l’ADN et dans l’expression des gènes, et que ces anomalies étaient accompagnées de changements dans une modification épigénétique particulière, la « marque de répression H3K27me3 ». Cette marque épigénétique est connue pour désactiver les gènes qui maintiennent les cellules dans un état indifférencié semblable à celui des cellules souches.

L’identification d’un tel lien fonctionnel entre l’effritement des télomères et des perturbations de la régulation épigénétique pourrait conduire à de nouvelles approches pour le traitement des maladies liées à l’âge, y compris les cancers.

Étude citée :

Telomere dysfunction cooperates with epigenetic alterations to impair murine embryonic stem cell fate commitment

Criqui M, Qamra A, Chu TW, Sharma M, Tsao J, Henry DA, Barsyte-Lovejoy D, Arrowsmith CH, Winegarden N, Lupien M, Harrington L.

Elife. 2020 16 avril; 9. pii: e47333